Cameroun: Ce qui n’a pas marché dans la lutte contre Boko haram

Les manquements qui ont conduit à l’attentat de Bodo lundi dernier.
«Je voudrais inviter les populations à respecter les consignes qui leur sont données, car c’est la seule voie par laquelle nous pouvons débloquer définitivement cette situation. Un arrêté avait été pris en bonne et due forme et qui interdit les marchés dans les zones frontalières, mais les gens persistent à aller dans ces localités à l’insu des autorités administratives et des forces de maintien de l’ordre. Dernièrement un camionneur est encore tombé dans l’embuscade alors que des dispositions ont été prises pour escorter de Kousseri à Dabanga et deMora à Dabanga avec échange de camionneurs.
Il suffit tout simplement de respecter ces consignes. Malheureusement nous constatons que les gens sont pressés. Nous saisissons cette opportunité pour inviter les uns et les autres à plus de responsabilité, à respecter les consignes qui ont été données. Les forces de l’ordre font leur travail, les comités de vigilance appuient également les forces,mais nous constatons que les populations elles-mêmes ne jouent pas leur partition. Les réunions et causeries éducatives se multiplient. Les chefs traditionnels donnent des conseils mais les gens se retrouvent toujours pour des négoces alors que nous avons vu ces derniers temps que les mosquées ont été prises pour cibles à des heures indues.
Si les kamikazes n’ont pas  hésité à attaquer les mosquées, ce ne sont pas les marchés qu’ils vont laisser. Les marchés regroupent plus de personnes que lesmosquées. C’est parce qu’ils ont compris que les arrêtés ont été pris et que les comités de vigilance sillonnent qu’ils ont commencé à s’attaquer aux mosquées. Nous appelons les uns et les autres à plus de discipline et à plus de responsabilité afin qu’on finisse une fois pour toute avec cette nébuleuse ». Le gouverneur et les autres officiels n’en démordent pas. Boko Haram est affaibli, il suffit d’un peu de privations et de quelques combats pour l’anéantir.
Cette rhétorique guerrière pour sympathique qu’elle paraît ne traduit malheureusement pas la réalité du terrain ou dumoins la perception que les acteurs en ont. Les populations des villages frontaliers, quand on leur parle de cette lutte invoquent les restrictions. Tout ou presque y est interdit, du commerce à l’agriculture en passant par les voyages ou les déplacements. Les seules distractions dans ces villages construits sur la frontière sont les prédications de Boko Haram et le récit de leurs épopées. Ceux d’entre eux qui sont moins crédules se sont liés d’amitié avec les militaires camerounais. Ils sont intrépides et volontaires, mais n’ont pas la moindre formation militaire ni politique. La notion de commissaire politique ou la question de leur statut n’est pas évoquée. Naturellement ils se posent des questions et leur vigilance qui n’a jamais été entraînée s’estompe Boko Haram forme continuellement ses combattants qui sont encore très nombreux mais dispersés. Les bilans cumulés et souvent gonflés des pertes que les armées ont annoncées leur avoir infligé ne dépassent pas depuis février 2014, 2000 tués. La secte a encore sous son contrôle de vastes pans des états du nord-est nigérian. Son influence, elle, va plus loin. Ses commissaires veillent minutieusement à entretenir l’abrutissement des sympathisants et à attirer de nouvelles recrues. La secte se régénère sur les mécontentements d’une jeunesse nombreuse et oisive. Boko Haram est la première entreprise criminelle à déployer un si grand nombre de candidats au suicide. Les kamikazes ont toujours un haut degré de radicalisation. Les militaires pour leur part ont fait un travail remarqué de tous. Ils ont rempli l’objectif de protection du territoire. Ils ne peuvent malheureusement pas grand-chose pour protéger les plus de 400 Km de frontière que le Cameroun partage avec cette partie du Nigeria sous le contrôle de Boko Haram. Les différentes armées qui y sont déployées contrôlent les grandes entrées. Ladite frontière n’est pas matérialisée. Les populations qui y vivent depuis des siècles ne savent souvent pas la reconnaître, surtout que son tracé a changé trois fois en 50 ans. Ces populations sont au sein de la guerre et font souvent la guerre. Les militaires savent qu’ils vont gagner la guerre pour elles, par elles et avec elles.

Aziz Salatou

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